« La démocratie est vitale dans la mesure où elle est requise par le soin ; en effet, par le soin, « on ne maintiendra pas seulement quelqu’un, mais le monde, pas seulement les uns, mais chacun, tout un chacun, tout le monde ». La démocratie, tout comme le soin, est le seul cadre politique qui garantisse au sujet la possibilité d’être soi-même, qui soutienne la dimension relationnelle de son existence, qui fasse rempart à toutes les violations qui le guettent. »
Extrait de Le vivable et l’invivable de judith Butler et Frédéric Worms, PUF, 2021, p. 73 et 74
« Dans Rassemblement, Butler affirme qu’il ne saurait y avoir de véritable démocratie si les conditions d’une égalité radicale entre les vies humaines ne sont pas réunies et qu’à l’inverse, la première responsabilité d’un gouvernement démocratique est précisément d’assurer et de renforcer les conditions nécessaires à cette égalité (1).
Worms parle quant à lui d’une « vitale démocratie ». Il considère qu’« il en va de la démocratie comme de la vie (2) ». Elle n’est pas seulement une forme de gouvernement politique, elle est surtout une aspiration morale et sociale qui doit traverser toutes les relations humaines. La démocratie est vitale dans la mesure où elle est requise par le soin ; en effet, par le soin, « on ne maintiendra pas seulement quelqu’un, mais le monde, pas seulement les uns, mais chacun, tout un chacun, tout le monde (3) ». La démocratie, tout comme le soin, est le seul cadre politique qui garantisse au sujet la possibilité d’être soi-même, qui soutiennent la dimension relationnelle de son existence, qui fasse rempart à toutes les violations qui le guettent. Autrement dit, ce que la démocratie et le soin ont en partage, c’est la double exigence d’égalité et de justice.
La démocratie est alors le régime dans lequel les vies reçoivent la même dignité et le même soutien pour subsister et s’épanouir. Mais, suggère Worms, tout comme le soin peut se retourner en maltraitance, la démocratie peut rendre des vies invivables. Ce sont ce qu’il appelle les « maladies chroniques de la démocratie », le cynisme, le racisme et l’ultra-libéralisme, qui privent certaines vies des conditions nécessaires à l’appropriation de leur existence (4). La polarité inhérente à la démocratie est donc ce risque permanent de régression et de violation contre lequel il faut sans cesse lutter. »
Pour aller plus loin :
« Les conditions de la vie : une question métaphysique que posent Judith Butler et Frédéric Worms », Podcast « L’heure bleue », 20 mai 2021, 53 mn.
« Le moment du vivant : penser l’éthique à partir de la vie », Podcast « Citéphilo Lille Hauts-de-France », 5 novembre 2022