"Etre humain ne signifie pas être un sujet solitaire, une monade hors-sol, dans l’autonomie fermée de sa raison et détenteur uniquement d’une intelligence individuelle, c’est-à-dire privée."
Extrait de Chapitre 10 - Repenser la notion d’intelligence : le projet progressiste de John Dewey, Christophe Point dans Il faut éduquer les enfants, ENS Éditions, 2022
"Commençons par rappeler l’une des convictions les plus profondes de John Dewey : être humain ne signifie pas être un sujet solitaire, une monade hors-sol, dans l’autonomie fermée de sa raison et détenteur uniquement d’une intelligence individuelle, c’est-à-dire privée. Cette conception individualiste de l’homme et de son intelligence est ce que John Dewey veut détruire en reconstruisant, à la place de celle-ci, une nouvelle conception de l’intelligence : c’est-à-dire une intelligence individuelle qui n’est pas seulement privée, mais qui peut se surpasser dans le collectif."
(...) John Dewey fait donc de l’intelligence une méthode d’ajustement des capacités internes aux conditions externes spécifiques à la situation environnementale dans laquelle l’individu fait face à un problème. L’intelligence est alors « une rupture dans les habitudes occasionnées par les situations problématiques »7. Elle n’est pas le résultat d’une distinction entre une passion pulsionnelle et une intellection abstraite, mais relève d’une sensibilité en contact avec des objets, qui tient « compte de la manière dont des relations plus efficaces et plus profitables avec ces objets peuvent être établies à l’avenir »8. L’intelligence d’un être humain se développe donc à la fois en fonction de sa sensibilité à son environnement, mais également suivant sa capacité à agir sur cet environnement.
(...) Ainsi, si John Dewey définit l’intelligence comme méthode d’ajustement, qui peut s’évaluer par sa capacité à résoudre les problèmes multiples que pose l’interdépendance du sujet à son environnement, alors il est évident que le développement de cette intelligence toujours individuelle possède une limite. Et cette limite explique la nécessité d’une intelligence collective venant s’ajouter à l’intelligence de l’individu seul. En effet, la complexité croissante des problèmes rencontrés entraîne un fractionnement des moyens de résolution du problème rencontré. Seul, l’individu peut résoudre des problèmes simples. Or, plus son environnement se complexifie et plus autrui devient indispensable à sa survie ou son confort. C’est donc proportionnellement au degré de difficulté des problèmes rencontrés que l’individu a besoin de l’aide d’autrui."