"(L’approche des capabilités) affirme que la bonne manière de juger d'une situation politique donnée du point de vue de la justice consiste à regarder les résultats. : les droits fondamentaux des citoyens sont-ils fermement garantis ?"
Extrait de Capabilités. Comment créer les conditions d’un monde plus juste ? Martha Nussbaum, Flammarion-Climats 2012, p.132-133
"(L’approche des capabilités) affirme que la bonne manière de juger d'une situation politique donnée du point de vue de la justice consiste à regarder les résultats. : les droits fondamentaux des citoyens sont-ils fermement garantis ? En cela, on peut y voir une conception tournée vers les résultats par opposition aux conceptions procédurales qui ont souvent la préférence des déontologistes.
John Rawls propose un exemple éclairant. Supposons que nous devons diviser une tarte de manière équitable. Une manière de concevoir l'équité consiste à observer les résultats du partage. Le processus équitable est celui qui donne des parts égales. Une autre manière consiste à observer la procédure. Le partage équitable est par exemple celui où chacun à son tour donne un coup de couteau. Rawls assimile sa théorie au deuxième type de partage. L'approche des capabilités est un exemple du premier. Lorsque nous regardons la société et demandons : « est-ce là une société minimalement juste ? », nous regardons si les capabilités sont garanties. Bien sûr, certaines capabilités impliquent l'idée de procédure équitable (en droit pénal, le droit à un procès équitable ; dans d'autres domaines, le droit à des procédures justes de différents types). Mais celle-ci devient un des éléments du résultat qui permet d'évaluer le fonctionnement de la société.
Ce n'est pas parce qu'elle privilégie un critère de la justice orientée vers le résultat que l’approche des capabilités est une forme de conséquentialisme : il s'agit en effet d'une description partielle des droits spécifiquement politiques et pas d'une conception compréhensible du bien social. Pourtant, elle s'intéresse en effet au bien-être réel des gens, et en cela il est raisonnable de classer l’approche des capabilités avec celles qui promeuvent le bien-être social, en comprenant ici le bien-être en termes de capabilité et non de satisfaction des préférences."
1. La vie. De pouvoir vivre sa vie jusqu’à la fin d’une vie d’une durée normale
2. La santé du corps. Etre capable d’être en bonne santé, d’être nourri convenablement et d’avoir un abri décent.
3. L’intégrité corporelle.
4. Sens, imagination et pensée. De pouvoir user de ses sens, de pouvoir imaginer, penser et raisonner – et de pouvoir faire tout cela d’une « façon humaine », informé et éduqué … en rapport avec des expériences et des productions religieuses, littéraires, musicales, etc., protégé par une garantie de liberté d’expression.
5. Émotions. Attachement à des choses et des personnes ; amour pour ceux qui nous aiment et nous entourent et nous soignent … Le droit à un développement émotionnel dénué de peur et d’angoisse…
6. Raison pratique. La possibilité de concevoir une conception du bien et d’engager une réflexion critique sur sa propre vie (avec protection de la liberté de conscience et de la liberté religieuse).
7. Affiliation
8. Autres espèces. Le droit de vivre avec respect pour et en relation avec des animaux et des plantes, et l’ensemble du monde de la nature.
9. Jeu. La possibilité de rire, de jouer, d’avoir du plaisir et de se réjouir d’activités de loisir.
10. Le contrôle sur son propre environnement.
Les capabilités appartiennent à des personnes individuelles. Les capabilités ont toutes besoin d’être assurées spécifiquement, au moins pour un seuil minimal.
Ce sont des droits essentiels.
Pour aller plus loin :
Dictionnaire Lethica, Université de Strasbourg, « Capabilités, capacitation », mai 2023
Bernard Bret. Martha C. Nussbaum. Capabilités, comment créer les conditions d’un monde plus juste ?. Justice spatiale = Spatial justice, 2012