"Modifications de la loi bioéthique : grande réforme sociétale du quinquennat", un édito du Pr Bernard Bioulac, directeur de l'ERENA Bordeaux.
"Dans le tumulte crée par la crise de la COVID-19 et sa reprise de par le variant delta ajouté aux interrogations multiples suscitées par le discours protecteur du chef de l’Etat, le vote définitif des modifications de la loi bioéthique passe presque inaperçu et « tombe » dans les oubliettes des médias.
Cependant, cette loi, après 22 mois de discussion au Parlement a fini par être définitivement adoptée le 29 juin dernier. Au moins deux modifications doivent être mises en exergue.
La première concerne la Procréation Médicalement Assistée (PMA). Celle-ci est désormais ouverte à toutes les femmes en âge de procréer et ce jusqu’à 43ans. C’est un acquis majeur tant aux plans des libertés individuelles qu’à celui de l’égalité devant l’accès au progrès médical. Par cette mesure, la Représentation Nationale, de façon majoritaire, a considéré que cet interdit était discriminatoire à l’égard des femmes célibataires et de couples de femmes homosexuelles. De plus, un nouveau mode de filiation notarié est mis en place pour les enfants nés de ces couples.
Mais une autre modification très substantielle rompt avec le principe de l’anonymat, spécificité jusqu’à ce jour, des lois bioéthiques françaises. Il s’agit de la levée de l’anonymat des dons de gamètes. A l’avenir, toute personne née d’un don de sperme ou d’ovocyte pourra, si elle le souhaite, accéder à l’identité de son donneur à sa majorité sans pour autant pouvoir établir une quelconque filiation sur cette base. Le texte confirme bien l’absence de tout lien juridique. L’accès uniquement à des données « non identifiantes » telles que l’âge ou les caractéristiques physiques, sera également possible passé 18 ans.
Cette modification n’est pas sans soulever certaines inquiétudes. En effet, dans la mesure où toute PMA sera remboursée par la Sécurité Sociale, il faut s’attendre à un accroissement des demandes et à se trouver alors face à une pénurie de sperme. De plus, la levée partielle de l’anonymat risque de décourager les donneurs déjà peu nombreux. Devant cette pénurie pourra-t-on répondre de façon égalitaire à une demande de PMA pour causes médicales et à une demande pour convenance personnelle..?
D’autres modifications recèlent aussi une volonté de progrès sociétal. L’autoconservation des gamètes (ovocytes et spermatozoïdes) sera autorisée alors qu’elle n’était possible qu’en cas de problème de santé (cancer) ; de même le don du sang pour les homosexuels sera possible. Enfin une certaine recherche sur les embryons permettra de pratiquer des investigations sur les chimères, c’est-à-dire l’introduction de cellules humaines dans des embryons d’animaux. Cette approche est destinée à mieux décrypter certains mécanismes fondamentaux : causes de l’infertilité, développement d’organoïdes, lutte contre les cancers…
Cependant, reste interdite la GPA mais jusqu’à quand ? La « ROPA », ou « maternité partagée », qui consiste à ce que la femme qui ne porte pas l’enfant puisse donner ses ovocytes est également interdite comme la PMA post-mortem.
Toutes ces modifications se cristallisent dans ce qui sera la grande réforme sociétale du quinquennat. Elles ne sont pas sans susciter désaccords et polémiques mais c’est le lot de toute démarche progressiste et humaniste.
N’oublions pas, malgré tout, que 67% des Français sont favorables à la PMA pour toutes."
Pr Bernard Bioulac
Directeur adjoint de l’ERENA – Directeur du site de Bordeaux -
Professeur émérite à l’Université de Bordeaux, Membre de l’Académie Nationale de Médecine
Retrouvez ci-contre la Lettre d'information de l'ERENA Bordeaux de l'été 2021.
VOIR LE DOSSIER LEGIFRANCE SUR LE PROJET DE LOI RELATIF A LA BIOETHIQUE