Edito de la Lettre d'information de l'ERENA Bordeaux - Février 2020
"Les progrès des connaissances dans le champ des neurosciences ne sont pas sans inciter l’homme à accroître ses capacités physiques et surtout psychiques.
Evidemment, il faut se réjouir des avancées scientifiques dès lors qu’elles autorisent à réparer, rétablir ou remplacer tels ensembles neuronaux ou réseaux du système nerveux central (SNC) défaillants. Un exemple, presque devenu banal, est celui de la stimulation cérébrale profonde (SCP) utilisée comme outil thérapeutique dans diverses pathologies : douleur, maladie de Parkinson, dystonie, trouble obsessionnel compulsif (TOC), dépression…
Par ailleurs, le développement des interfaces cerveau-machine (ICM) débouche sur de nouvelles stratégies pour traiter les handicaps sévères tels l’hémiplégie, la paraplégie, la maladie de Charcot…Dans ces cas, il s’agit d’utiliser l’activité neuronale pour interagir avec un bras ou un doigt robotique ou un exosquelette, un fauteuil roulant ou un clavier pour sélectionner des lettres ou des mots.
Au-delà de ces applications pertinentes, il y a le saut vers la neuro-amélioration et la pensée transhumanisme. Ce courant imagine la mise en œuvre de machines productrices d’intelligence artificielle (IA) « interfacées » avec l’humain et son cerveau. Ces machines seront des milliards de fois plus puissantes que le cerveau humain. Ainsi, cette fusion fera de nous des êtres hybrides ou bioniques qui auront un accès à des ressources et à des monceaux de connaissances infinis disponibles sur un nuage, un « cloud ».
Dans cette perspective, la partie non biologique de notre être progressera à une vitesse exponentielle : plus précisément, notre espace cérébral s’élargira (extended mind), mais pas la partie biologique où un plateau sera atteint.
Peut-on créer, dans le futur, de tels « êtres hybrides » ou « cyborgs » ? N’opère-t-on pas dans ce cas une « déselection individuelle » de la personne humaine en remplaçant homo sapiens par « un homme nouveau post-humain » ? Cet homme augmenté et transhumaniste ne rompt-il pas avec le principe d’intangibilité, base de la « sacralisation et de la primauté de la personne » ?"
Sincères salutations,
Pr Bernard Bioulac
Directeur adjoint de l’ERENA – Directeur du site de Bordeaux
Professeur émérite à l’Université de Bordeaux, Membre de l’Académie Nationale de Médecine