Edito de la Lettre d'information ERENA Bordeaux de mars 2023

"En 1981, parmi les 110 propositions du candidat François Mitterrand à la Présidence de la République, figurait la création d’un Comité Consultatif National d’Ethique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE). Celui-ci fut créé dès 1983 et le Chef de l’Etat déclarait lors de son installation : « Nous avons cru quelque temps que la rationalité suffirait pour nous servir de guide, une rationalité sans défaillance ni dogmatisme, et voilà que le succès même de la science nous donne tort. La médecine et la biologie modernes cherchent des raisons que la seule raison ne parvient pas toujours à saisir… ». Il mettait en exergue le fait que le progrès scientifique ou biologique devançait la réflexion morale et a fortiori la décision juridique.

Le CCNE est chargé, aux termes de l’article premier du décret présidentiel, de « donner un avis sur les problèmes moraux qui sont soulevés par la recherche dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé, que ces problèmes concernent l’homme, des groupes sociaux ou la société toute entière ». 

Institution permanente à vocation généraliste, le CCNE n’a qu’un rôle consultatif et n’est aucunement appelé à prendre des décisions. Cette fonction revient en premier lieu au Parlement qui légifère puis aux tribunaux chargés d’appliquer la loi.

De 1983 à 2023, suivant le précepte « Deviser et Aviser », le CCNE a rendu, pendant ces quarante ans, 141 avis sur les grands questionnements éthiques qui vont du commencement à la fin de la vie. Citons : la procréation médicalement assistée (PMA), les tests génétiques, la transplantation d’organes, les neurosciences, la recherche sur l’homme, la bioinformatique, la biologie de synthèse, la convergence des technologies, la fin de vie, le système de soins (au décours de la pandémie de Covid-19), le diagnostic médical et l’intelligence artificielle…

En parallèle avec l’évolution de la société, la réflexion du CCNE, exprimée par ses avis, a contribué à impulser une dynamique dans l’action législative. Il en a été ainsi depuis les premières lois de bioéthiques en 1994 et leurs révisions successives. Récemment, ce fut le cas pour l’ouverture de la PMA aux femmes seules et aux couples de femmes homosexuelles. Aujourd’hui, le vif débat sur la fin de vie et l’aide active à mourir en est une autre illustration.

La création du CCNE a brisé l’isolement disciplinaire, idéologique, épistémologique et professionnel. Il est devenu un lieu de pause pour réfléchir avec sérénité et dans un esprit de laïcité. Face à un flux scientifique massif, il s’efforce de définir, de façon citoyenne, les préconisations qui sont « bonnes et justes » pour l’homme et en même temps d’écarter les tentations à l’instrumentaliser et, ainsi, à porter atteinte à la primauté de la personne et au respect de sa dignité.

Concluons par le propos sur la bioéthique du Pr Jean Bernard, premier président du CCNE, : «... C’est d’abord une double rigueur, la rigueur glacée de la science, la rigueur rigide de la morale. Mais c’est aussi, alliées à ces deux rigueurs, la chaleur de la vie, la profondeur de la réflexion… ».

Bernard Bioulac

Membre de l’Académie de Médecine
Ancien membre du CCNE   

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